Les cauchemars de la Shivahala, 2e vague

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Dans un bassin de pierre couvert de pétales de fleurs et de nénuphars, une ombre tressaille sous l’eau. La lumière verte des bougies qui filtre à travers les feuilles de nénuphars éclaire une vieille Ts’krang enveloppée dans des voiles bleu et rouge qui flottent entre deux eaux.

« Quelqu’un touchhhhhhe encore mes rêves, pensa-t-elle à moitié endormie, attenttttttttttion petit voyeur, les ssssssssssssonges d’une Shhhhhhhhhhivahala ne ssssssssssont pas fait pour tout le monde… »

1er cauchemar : la trahison rampante

Un corps gonflé flottait à moitié submergé près de la berge du petit lac glacé des Cascades froides. Un peu plus loin, sur les rochers, gisait le corps brisé de Neevie Œil-de-Pie.

En haut des falaises, une lueur rougeoyait dans la nuit, et au dessus encore des déflagrations jaune et blanche rayait le ciel. Le village des Cascades froides de Griffes de Pierre brulait achevait doucement de se consumer, les corps étendus un peu partout dégageaient une odeur de porc grillé. Sur trois poteaux on apercevait encore les restes des trois médiatrices torturées.

Dans le voute céleste, au milieu des étoiles, cinq drakkars aériens se battaient à coup de Bouches-à-feu et d’abordages enragés. Un sixième brulait, éventré sur une corniche. Deux clans troll se déchiraient et n’auraient de cesse de s’être venger.

Plus loin, s’éclairant du cristal de son bâton et cheminant sur le route qui menait à l’hermitage de la Fondation d’Amarante, Grand’Ma gloussait, un sang noir et épais gargouillait dans sa gorge. Sa route sèmerait anarchie et désolation.

2e cauchemar : le désespoir de Jamo le Bleu

Un corps carbonisait fumait sur le pont, c’était le cinquième mais cela ne suffisait pas à calmer le mugissement désespéré du spectre de l’ancien amiral qui résonnait dans les soutes.

Sur le gaillard d’arrière, une femme au front et à l’œil bandé et ensanglanté tenait la barre fermement malgré le sang poisseux d’un nain qui la maculait par endroit. Un sourire fier ornait son visage.

Le galion éventré avançait au dessus de la jungle malgré le fort gite, sa coque brisant la cime des arbres et provoquant un envol continu d’oiseaux furieux. A quelques encablures, venant du Béhémot théran, deux vedettes de pierre approchaient.

Les branches des cimes fouettaient en continue les corps inconscients ligotés à la proue du navire. Ces corps étaient ceux d’un Homme, d’un Ts’krang et d’un Nain.

3e cauchemar : la couronne déchue

Les golems de pierre s’étaient arrêtés. Prudemment, au milieu des râles devenus assourdissant dans le silence soudain, Dame Sélenda Couronne-de-Soie ouvrit les yeux et se mit à observer autour d’elle. Alors qu’elle entendait les cris des gardes jaillissant dans son dos et empalant le vieux régicide de leurs lances, se regard se portait vers le haut, vers le trône. Une statue était figée, le poing écrasé au sol. Dessous, on devinait les jambes enlacées dans une dernière étreinte du roi et de la reine de Throal.

Brusquement, elle tourna les yeux vers l’autre golem. Immobile, celui-ci tenait dans sa poigne de granit le corps sans vie du prince Neden, qui balançait telle une marionnette brisée.

Sélenda ne put retenir alors un gloussement hystérique. Reine, elle était reine !

Une vieille courtisane essuyait ses yeux d’un poing rageur alors que la nouvelle reine de Throal, Sélenda Ière, s’adressait à la foule de l’auditorium royal. Son discours dégoulinant d’hypocrisie la dégoutait tant qu’elle oubliait son chagrin pour Valurus III.

« Il faut que je mette l’enfant en lieu sûr, pensait-elle en grinçant des dents, c’est notre seul recours contre cette usurpatrice assoiffée de pouvoir ».

Premier cauchemar de la Shivahala

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Alors que vous traverser les eaux sombres du lac, un rêve de la nuit dernière vous revient en mémoire :

Une goutte de sang est suspendue à une paroi verdâtre. Elle se détache lentement et tombe, tombe…

Dans des eaux sombres, couvertes de feuilles, une ombre tressaille.

Perché sur une branche au-dessus de l’eau, le Ts’krang que vous avez rencontré dans la jungle vous regarde aborder l’île au milieu du bras mort du fleuve. Une mine de fusain à la main, il trace une croix sur sa carte, conclusion de nombreuses indications sur son itinéraire.
Il enroule alors la carte de parchemin et récite, les yeux fermés, les paroles d’une incantation tout en faisant des gestes de ses mains et de ses bras. Il ouvre enfin les yeux, lâche le rouleau qui s’envole dans les airs dans un fuseau miroitant, comme si l’air lui-même gainait le parchemin.

Il fait nuit. Le rouleau de parchemin file au dessus de la jungle puis survole une grande rivière sillonnée des fanaux de navires à vapeurs qui vont et viennent devant une ville sur pilotis mordant dans la jungle. Passant au-dessus des dômes de bois, la carte fini son périple aérien en filant vers une grande tour hexagonale qui émerge de la jungle, illuminée de nombreux cristaux.
Une silhouette guette par l’une des plus hautes fenêtres et se saisi d’un geste vif de l’étrange volatile. Avec précaution, l’individu déroule la carte et émet un sifflement.

Le soleil larde les berges et le cours du Fleuve Serpent. A bord d’un navire à vapeur, de nombreux T’skrang armés et vêtus de vêtements amples et colorés se jettent dans l’eau dans la panique. Une seconde plus tard, leur navire est percuté par une boule de feu et s’enfonce dans le fleuve tout en s’embrasant, les gerbes d’eau le disputant aux jets de vapeurs. Au-dessus, loin au-dessus, un énorme brasier magique fonce sur une seconde embarcation.
Contemplant la scène, un Ts’krang est penché au-dessus du vide, ses vêtements furieusement secoués par le vent, les yeux étincelants et les mâchoires secouées d’un rire exaltés. Sa cape, jaune canari ornée de losanges rouges, claque au vent au-dessus de lui.
En contrebas, les étendards de la myriade de navires à vapeur qui fonce face aux épaves fumantes répondent aux mêmes couleurs…

Une goutte de sang tombe, et s’écrase dans une petite flaque de boue et de sang.
Au côté de cette flaque, le corps du Ts’Krang gît, affaissé contre un tronc d’arbre dans la jungle, légèrement penché sur le côté.

La pénombre est doucement percée par les flammes jaunes de quelques grosses bougies dans des vasques de bronze ciselé, disposées autour d’un bassin de marbre. Un brûle-parfum fini de se consumer sur une petite console à l’écart.

L’eau du bassin est couverte d’herbes et de fleurs. Une ombre émerge de l’eau avec un sifflement de surprise. « Shivahala ! Shivahala ! Vous avez une vizzzzion ? » s’exclament de concert deux jeunes Ts’Krang aux voiles colorées, un encensoir dans les mains. « Un rêve, un cauchemar, une potensssialité » répond le vieux/la vieille Ts’krang assis(e) dans le bassin, ses voiles collants à son corps, les pétales et feuilles aux voiles. « Encore l’aropagoï K’Tenshin, dit-il/elle d’une voie sifflante. Quand la Matriarche doit-elle arriver ? » « Dans deux jours » répond l’un(e) des jeunes Ts’krang.

Closant les paupières, la forme voutée du bassin bascule lentement en arrière et est engloutie à nouveau par les eaux sombres chargées d’herbes mystérieuses.

Publié le 5/06/2013